La guidance parentale
03.11.2022 Réflexion sur Temps de lecture : 10 min

Le terme « Guidance parentale » est souvent utilisé mais nous avons à ce jour peu de données sur ce sujet. Pourtant l’accompagnement des parents doit être au cœur des réflexions des équipes professionnelles.

Le terme « Guidance parentale » est souvent utilisé mais nous avons à ce jour peu de données sur ce sujet. Pourtant l’accompagnement des parents doit être au cœur des réflexions des équipes professionnelles.

 

L’équipe d’Enfant-différent a participé au colloque “Les guidances, comment s’adapter aux besoins des parents ? De nouvelles voies ?”, organisé en mars 2022 par l’Anecamsp, association nationale des Centres d’action médico-sociale précoce (CAMSP). Nous présentons ici ce que nous avons retenu des nombreux apports de ces journées, en collaboration avec Serge Ebersold et Céline Clément :

  • L’accompagnement des parents, que l’on appelle aussi aujourd’hui “guidance parentale” de quoi parle-t-on ?
  • Vous êtes un professionnel, votre structure a envie d’améliorer votre pratique auprès des parents, quelques conseils…
  • Zoom sur les programmes de guidance parentale, un des outils de la guidance

 

Le rapport des 1000 premiers jours du ministère des Solidarités et de la santé (2020) recommande la mise en compétence des parents.

« Tout concorde aujourd’hui à affirmer qu’une meilleure prise en compte de la dimension psychologique et émotionnelle, de l’environnement social ainsi qu’un soutien précoce et de qualité à la parentalité dès le plus jeune âge, constituent des facteurs de prévention de la dépression du post-partum, des troubles de la relation parents/enfants. »

La Haute Autorité de Santé (HAS) préconise la guidance parentale dans ses Recommandations de bonnes pratiques relatives aux troubles du neurodéveloppement (2020).

 Il est essentiel de valoriser les parents dans leurs sentiments de compétence et de les placer au cœur de la prise en charge et de l’éducation de leur enfant 

 

De quoi parle-t-on ?

Serge Ebersold est professeur au conservatoire national des arts et métiers (CNAM) où il est titulaire de la chaire accessibilité.

Il explique que le mot « guidance » vient du terme anglais qui signifie « pour mieux vous repérer ». En français, l’équivalent serait l’expression « pour votre gouverne », qu’on pourrait traduire par le fait de donner aux parents des informations, des moyens pour qu’ils puissent mener leur projet, en d’autres termes “tenir la barre”.

Le travail des professionnels en guidance parentale doit donc impliquer les familles dans le but de leur permettre d’exercer leurs droits et d’accéder à la visibilité sociale afférente.

Quel que soit le contexte dans lequel il se trouve, le parent devrait pouvoir avoir accès aux mêmes droits que les autres. La visibilité sociale, pour Serge Ebersold, comporte plusieurs aspects :

  • prendre part : exercer une fonction sociale et s’inscrire dans les jeux sociaux
  • faire partie : être en position d’exercer légitimement sa fonction de parent et d’être reconnu légitime dans l’exercice
  • agir sur : effet émancipateur de l’activité sociale ; oser prendre des initiatives ;
  • avoir le sentiment d’exister : se penser aussi respectable et estimable que les autres, se penser différent comme les autres

Ces quatre éléments doivent être présents pour que la participation sociale soit une composante de la citoyenneté et non une injonction. Il s’agit d’une parité de participation, c’est-à-dire vue comme un pair et se pensant comme un pair

Tout au long du colloque, différents types d’intervention auprès des familles ont été évoqués, parmi lesquels :

  • Les rencontres entre parents, entre familles

  • l’information, les services de questions-réponses

  • la documentation, prêt de matériel

  • le soutien psychologique et social

  • la formation : entre parents ou parents-professionnels

  • les programmes de guidance parentale

 

Quelques pistes de réflexion pour les professionnels

Vous êtes un professionnel et vous avez envie d’améliorer votre pratique d’accompagnement des parents ? Voici quelques points d’étape et exemples de questions concrètes pour accompagner votre cheminement.

Questions autour de la posture professionnelle, autour des représentations

  • La guidance parentale doit avoir un effet capacitant chez les parents. En quoi les soutiens et les aménagements que vous mettez en place donnent-ils aux parents les moyens d’agir ?

  • Comment passer d’une relation de « famille bénéficiaire » / « professionnel expert » à une relation de partenariat et d’enrichissement réciproque ? Comment prendre en compte les savoirs d’usage des familles ?

  • Comment nourrir une relation de confiance avec les parents ? Quels espaces (formels ou informels) permettent l’expression libre et le recueil du point de vue des parents ? Les outils sont-ils variés afin de répondre à la diversité des familles ?

Questions sur les outils

  • Travailler sur l’implication et le portage du projet « guidance » par l’ensemble de l’équipe
  • Comment travailler avec des familles avec différentes catégories d’âge et catégories socio-professionnelle : comment met-on les parents en réussite, comment les entraîne-t-on à faire ?
  • Comment individualiser les contenus aux problématiques individuelles de chaque famille ?
  • Comment, en début du rendez-vous en consultation médicale, le professionnel questionne le parent sur ses attentes, comment le professionnel clarifie son travail, les objectifs ? 
  • Est-ce que les modalités pratiques des séances correspondent aux besoins des familles ? Où sont proposées les séances : domicile / institution et sur quels horaires ?
  • Selon l’arrivée au CAMSP ou dans les prises en charge, l’âge de l’enfant, l’enfant va seul en séance ou pas. Cela conditionne aussi la collaboration entre le parent et les professionnels. Comment travaille-t-on ensemble dans un cas comme dans l’autre ?
  • Comment prépare-t-on la place aux deux parents : faut-il la présence des deux parents en séance obligatoirement ?
  • Quelle formation des intervenants ?
  • Les intervenants et professionnels ont-ils une supervision ?
  • Quelles seront les possibilités de feedback : avoir la possibilité d’échanges avec des professionnels sur ce qui est mis en place à la maison ?
  • Comment travaille-t-on la possibilité pour les familles de se rencontrer pour favoriser le lien social entre les familles en dehors des ateliers/séances ?
  • Comment les actions sont-elles évaluées ? Comment sont réajustés les programmes ? Quels outils permettent de mesurer l’effet capacitant ?

Points de vigilance et recommandations sur l’effet capacitant des pratiques

  • Vérifier que les parents savent qui est le professionnel avec qui ils ont rendez-vous, son rôle, ses fonctions et son approche
  • Permettre aux parents et les professionnels de se mettre d’accord sur les objectifs du rendez-vous médical 
  • ne pas avoir de discours culpabilisant sur le choix des parents par rapport à celui d’autres parents et l’idée de départ des professionnels
  • faire attention aux « faux choix » proposés aux parents, et les injonctions à « faire  face » à la situation
  • tenir compte de l’éventuelle augmentation du stress parental lors de la guidance en lien avec le sentiment de devoir avoir une disponibilité de chaque instant,
  • avoir en tête que la formation et l’implication des parents (des mères notamment) peuvent être perçues comme intrusives
  • ne pas présenter la participation aux groupes de parents comme une obligation : des familles ont une préférence pour l’individuel au départ. Il faut tenir compte de cette préférence même si on sait que souvent à la fin du programme les parents ne regrettent pas d’avoir participé à des temps collectifs.
  • Avoir une disponibilité psychique pour entendre les tracas du jour, montrer aux parents qu’ils peuvent en parler s’ils le souhaitent.
  • Poser des questions aux parents pour ouvrir la possibilité d’une écoute, d’un dialogue permettant de comprendre où ils en sont, ce qui leur a été dit, ce que sont leurs attentes… 

 

Les programmes de guidance

Les programmes d’entraînement aux habiletés parentales sont l’un des outils de la guidance parentale.

Différentes évaluations des programmes de guidance parentale démontrent les effets positifs pour l’enfant et ses parents.  Une majorité des programmes centrés sur l’enfant donnent une place aux parents. 

Comme le rappelle Céline Clément, Professeure en Psychologie et sciences de l’éducation à l’Université de Strasbourg, le coût des soins a historiquement joué un rôle dans la mise en place des programmes de guidance parentale. En effet, ces programmes ont été pensés pour que les parents assurent la continuité des soins de leur enfant. Initialement, l’objectif était d’améliorer les capacités de l’enfant. Avec le temps, une amélioration du sentiment de compétence a été observée chez les parents et est devenue à son tour un objectif.

Les différents programmes d’intervention ne sont pas concurrents et répondent à différents besoins.

Certains programmes visent à donner une formation « directe » ciblant les compétences parentales et d’autres des formations « indirectes » ciblant des parents co-thérapeute (l’approche ABA, la Pact, le programme de Denver…)

Les programmes de formation et d’entraînement aux habilités parentales sont construits pour s’intéresser aux problématiques parentales (stress…)

Des attentes de parents (d’après les vidéos du colloque)

Les parents ont des attentes et de souhaits quant à la « guidance » :

  • Pouvoir faire relai à la maison des séances effectuées en établissement ou en libéral 
  • Avoir des pistes très concrètes pour le quotidien, quelques exemples : le portage, les pictogrammes, la gestion des comportements difficiles…
  • Avoir des explications sur le pourquoi et les objectifs des séances
  • Avoir accès à des espaces d’échanges avec d’autres parents
  • Se sentir en confiance pour exprimer leurs doutes, leurs questions
  • Avoir des explications sur le rôle de chaque type de professionnels
  • Bénéficier de conseils éducatifs
  • Pouvoir participer à la définition des objectifs des programmes : souvent en lien avec la vie quotidienne (lavage des dents, régulation de l’appétit, habillement…)

Pour les parents, les effets des programmes de guidance parentale, notamment dans le champ des troubles du neurodéveloppement (TND), peuvent donc être :

  • Une meilleure connaissance du fonctionnement et des troubles de leur enfant
  • Une augmentation de leur sensibilité aux signaux de l’enfant : identifier ses ressources et ses besoins, décrypter ses compétences interactives
  • Une identification et un renforcement de leurs compétences
  • Un regain de plaisir dans les moments partagés avec leur enfant
  • Une diminution du stress
  • Un sentiment d’être acteur de l’éducation de leur enfant et des choix à faire pour lui
  • Une mise en confiance qui leur permet de se sentir capable d’agir et de co-construire avec les professionnels

 


Céline CLEMENT

Professeure en psychologie et sciences de l’éducation
Directrice adjointe à la recherche – INSPÉ de L’académie de Strasbourg
Université de Strasbourg
LISEC EA 2310 http://www.lisec-recherche.eu/membre/clement-celine
https://strasand.fr/

Serge EBERSOLD

Professeur CNAM, titulaire de la chaire accessibilité

ANECAMSP

Association Nationale des Equipes Contribuant à l’Action Médico Sociale Précoce
https://anecamsp.org/

 

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