Des embûches dans le parcours dès la petite enfance

Des embûches dans le parcours dès la petite enfance
05.02.2015 Réflexion sur Temps de lecture : 5 min

La loi du 11 février 2005 fête ses 10 ans. A cette occasion de nombreux bilans paraissent, qui font état de réels progrès au niveau de la participation citoyenne des personnes en situation de handicap. L’association Une Souris Verte peut faire part de ses constats dans le champ de la petite enfance.

La loi met en avant la notion de parcours, pour un cheminement idéalement sans ruptures permettant aux familles de ne plus avoir à évoquer le parcours du combattant. Mais force est de constater que des entraves subsistent et que, même lorsque l’enfant est jeune, la fluidité n’est pas si évidente…

Dans la petite enfance, l’annonce de la déficience de l’enfant est récente. Les parents découvrent les conséquences sur le développement et les capacités de l’enfant. Ils ont besoin de temps pour se projeter dans de nouvelles perspectives, repenser une vie qu’ils imaginaient toute autre. Cette temporalité là leur appartient. Le processus peut largement déborder les 3 ans de l’enfant, âge auquel on envisage habituellement l’école sereinement avec une simple démarche administrative d’inscription. Processus long, d’autant plus qu’une majorité de déficiences ne sont identifiées qu’en cours de développement et non à la naissance. Les parents peuvent être tributaires des délais de consultation auprès de spécialistes, et globalement ils ont à appréhender les codes du « monde du handicap » qui leur est le plus souvent inconnu. Ils découvrent les contraintes des rééducations ou plus largement de l’accompagnement à mettre en place.

L’accueil de l’enfant en crèche ou chez l’assistante maternelle, s’inscrit dans le lien avec la vie ordinaire, le « faire avec les autres ». Se projeter au-delà ne va pas nécessairement de soi. D’autant plus que les démarches administratives pour envisager l’après restent complexes et sont à anticiper alors que les familles vivent le plus souvent au jour le jour.

La question de la sortie de crèche par exemple reste parfois complexe. Quelles solutions s’offrent aux familles lorsque l’enfant en situation de handicap atteint 3-4 ans ?

L’entrée à l’école

La loi de 2005 réaffirme le droit à la scolarité pour les enfants en situation de handicap, un droit opposable.

Tout enfant, tout adolescent présentant un handicap ou un trouble invalidant de la santé est inscrit dans l’école ou dans l’un des établissements mentionnés à l’article L. 351-1, le plus proche de son domicile, qui constitue son établissement de référence.

Pour autant l’école de quartier ne convient pas à tous les enfants et certains parents souhaitent d’autres solutions. Il arrive par ailleurs que le temps de scolarisation proposé soit très faible. Dans ce cas il n’y a pas réelle rupture de parcours, mais le caractère partiel de solutions ne permet pas non plus d’évoquer une réelle continuité.

Le prolongement de l’accueil en crèche

Parfois il est envisagé de prolonger l’accueil de l’enfant dans la crèche, comme accueil unique ou en complément de l’école. Mais gardons nous de penser que cette solution convient à tous les enfants ; il n’est pas rare que la crèche ne soit plus adaptée aux besoins singuliers de l’enfant.

Les accueils de loisirs quant à eux, restent finalement peu envisagés par les familles : le loisirs n’est pas une priorité, crainte de nouvelles difficultés, manque de confiance face à un « accueil pour tous », de nombreuses structures déstabilisées par cet accueil qui leur paraît trop complexe.

L’entrée en établissement spécialisé

La plupart de ces établissements ont un agrément à partir de 6 ans, rares sont ceux qui accueillent à partir de 3 ans. Si les parents souhaitent cette orientation, ils sont confrontés au manque de places. L’attente peut s’avérer longue, parfois se compter en années. De ce fait les parents sont incités par les partenaires de soins et rééducation à faire les dossiers de demande très précocement, alors qu’ils ne sont pas toujours prêts pour cette démarche.

D’autres embûches dans le parcours…

La continuité dans l’accompagnement

Des services accompagnent les jeunes enfants et leur famille, notamment (mais non exclusivement) les CAMSP (Centre d’Action Médico-Sociale Précoce). Les CAMSP ont un agrément jusqu’à 6 ans et force est de constater que tous les enfants n’ont pas de continuité d’accompagnement rééducatif à la sortie de ces services : manque de place dans les IME (Instituts Médico Educatif) ou dans les SESSAD (Service Education Spéciale et Soins A Domicile).

L’accès aux soins

Autre point, le simple accès aux soins médicaux ne se fait pas toujours aisément, notamment dans les situations de handicap les plus complexes. Trop souvent, un enfant suivi par plusieurs spécialistes se heurtera à l’absence de coordination des soins ce qui peut nuire à la continuité de prise en charge. Dans le champ du handicap rare, les ressources collectives manquent tant qualitativement que quantitativement….

Ainsi donc, les premières années de vie de l’enfant sont jalonnées d’incertitudes, certes liées au développement de ses capacités mais également largement tributaires du contexte, des possibles au niveau des accompagnements médicaux et médico-sociaux.

La période des 3-6 ans est une vraie première période charnière, les familles ont à effectuer des choix. Elles ne sont pas toujours prêtes à faire les démarches dans les temps imposés par les instances administratives, mais se heurtent aussi à l’absence de solutions.

Pour peu qu’une famille déménage, change de région dans cette période charnière, et tout le tissu local autour de la question du handicap est à redécouvrir.

Il n’est pas rare que les enfants passent beaucoup de temps à leur domicile entre 3 et 6 ans, sans solution ou avec des solutions très partielles. Pour les parents, la réduction contrainte, voire l’abandon d’activité professionnelle, reste une réalité trop répandue.

 

10 ans après la loi de 2005 le constat d’avancées pour les personnes en situation de handicap est indéniable. Mais les témoignages des familles des jeunes enfants nous rappellent que dès le début des parcours les embûches se présentent. Le champ des améliorations possibles reste vaste…
 
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