Protection de l’enfance et handicap : tous concernés, tous responsables

Protection de l’enfance et handicap : tous concernés, tous responsables
30.06.2025 Réflexion sur Temps de lecture : 4 min

Introduction journée Uriopss-CREAI – « protection de l’enfance et handicap : tous concernés, tous responsables », qui s’est déroulée à Lyon le 12 juin 2025

Il y a des chiffres qu’on retient sans effort. Parce qu’ils choquent. Parce qu’ils pèsent. Parce qu’ils dérangent.

Plus de 400 enfants en double vulnérabilité ont été orientés vers la Belgique l’an dernier. Non pas pour bénéficier d’un projet innovant… mais faute de solution en France.

Autre donnée, tout aussi silencieuse : une majorité d’adolescents hospitalisés en psychiatrie adulte sont passés par l’aide sociale à l’enfance.

Non pas parce que cette hospitalisation correspond à leur besoin… mais parce qu’aucun autre lieu ne les prend encore en charge. Faute de solution éducative, médico-sociale ou pédopsychiatrique, la psychiatrie adulte devient le dernier recours. Un recours par défaut.

Et cela dans un secteur lui-même en grande fragilité, où les moyens manquent, les lits ferment et les équipes s’épuisent. La moitié des postes de médecins psychiatres sont vacants dans certains territoires. L’offre publique se réduit, les équipes craquent.

On hospitalise le jeune parce qu’on ne peut plus faire autrement. Pas parce qu’on a construit une réponse adaptée.

Nous le savons : notre appareil institutionnel s’est construit au fil du temps par strates successives, compétences croisées, logiques de filières.

Un cadre riche, complexe, parfois protecteur, fondé sur une responsabilité partagée.

Mais un cadre qui peut aussi, pour certains enfants, devenir un entrelacs de frontières :

  • Entre l’État et les départements
  • Entre les ARS et les conseils départementaux
  • Entre l’ASE et les MDPH
  • Entre la protection de l’enfance, la santé mentale, le médico-social, l’éducation nationale…

Malgré les efforts de terrain, malgré les dynamiques locales de rapprochement, ces frontières rendent souvent difficile une lecture unifiée du parcours.

Elles ralentissent les réponses, freinent les coopérations, fragmentent les interventions.

Résultat : certains enfants se retrouvent dans des zones grises.

Trop en difficulté pour rester dans le droit commun de la protection de l’enfance. Trop « déjà suivis » pour accéder à un établissement médico-social.

Personne ici ne sous-estime la complexité.

Articuler des dispositifs conçus séparément, portés par des institutions aux logiques, aux cultures et aux temporalités différentes, est un défi quotidien.

Et chacun, à son niveau, tente de faire au mieux.

Ce qu’ils nous rappellent, c’est que nous ne pouvons plus raisonner en silos.

Que nous ne pouvons plus poser des diagnostics sectoriels sur des trajectoires qui, elles, sont transversales.

Ils nous obligent à changer de focale. À passer du raisonnement en dispositifs au raisonnement en parcours.

  • Non plus : « à qui la charge ? » mais : « qui peut quoi pour lui ? »
  • Non plus : « dans quel dispositif l’orienter ? » mais : « comment construire autour de lui un chemin possible ? ».

Les rapports récents (ceux de la Défenseure des droits, de la commission parlementaire) vont tous dans le même sens. Ils recommandent de :

  • Désigner des référents identifiés dans chaque ARS et chaque service ASE
  • Systématiser les conventions entre acteurs
  • Développer l’accueil familial thérapeutique et les dispositifs à double gouvernance
  • Structurer enfin un accès réel aux soins en santé mentale pour ces enfants

Ce n’est pas une révolution : c’est une exigence éthique, politique, sociale.

Notre journée ne réglera pas tout. Mais elle peut faire levier. Véritablement.

Non en empilant les constats, mais en ouvrant des perspectives concrètes :

  • En mettant en commun les expériences qui tiennent, malgré les contraintes
  • En identifiant les conditions de bascule, là où des coopérations deviennent des solutions
  • En croisant les expertises pour dépasser les silos

Nous avons l’ambition de mieux faire circuler les logiques entre acteurs, de retisser les continuités là où les parcours s’effilochent.

Repenser les articulations, non pour réinventer les dispositifs, mais pour les rendre traversables.

Et surtout : replacer l’enfant au centre. Non pas théoriquement, mais opérationnellement : Sans le découper en tranches de compétences Sans le faire attendre que nos organisations s’ajustent Avec une exigence simple : qu’aucun enfant ne reste à la frontière.

natalia breysse
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