Cette notion de compensation nous conduit à plusieurs remarques contextuelles. Elle fait suite à deux périodes de considération du handicap dans la société celle de la réparation puis celle de la réadaptation qui était centrées sur l’idée idéalisée et imaginaire de revenir à l’état antérieur à la survenue du handicap, les préfixes de ces deux périodes en RE illustrent cette notion.
Le contexte global de la mise en oeuvre de la compensation se situe dans le contexte de la Loi dite anti-Perruche de 2002 permettant aux parents d’un enfant avec un handicap « de réclamer une indemnité au titre de leur seul préjudice » en précisant que « nul ne peut se prévaloir d’un préjudice du seul fait de sa naissance ».
La mise en oeuvre d’une solidarité nationale (par la CNSA) ouvre la voie à celle d’une justice distributive[1] posant des critères universels et objectifs d’attribution selon chaque situation singulière. Cette conception appelant une classification de la gravité du handicap selon certains critères (définis dans le guide barème national) visait à traiter de manière égale toute personne ayant le même handicap dans sa vie quotidienne, malheureusement l’inégalité de traitement d’une même situation d’un département à un autre est encore trop fréquente.
La compensation est aussi à restituer dans une société où la notion de citoyenneté prend toute son ampleur, dans les suites de la seconde guerre, de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme où dans son article premier « Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité. » Les notions de liberté et d’égalité de toute personne humaine, associées à celles de dignité et de droit sont les 4 principes majeurs de toute civilisation humaine. N’oublions pas que les personnes handicapées ont été elles aussi et de façon spécifique victimes de l’extermination. 275 000 enfants ou adultes affectés d’une déficience mentale ou physique furent assassinés dans le cadre d’Aktion T4, un programme terrible au nom de l’hygiène raciale, mis en œuvre par le Troisième Reich.
La notion d’égalité prend donc tout son sens et va se développer dans tous les champs. En 1982, les Nations Unies proclament une Décennie des personnes handicapées, qui s’est étalée de 1983 à 1992, dont le thème était «la pleine participation et l’égalité ». L’écriture d’un texte international était l’aboutissement de plusieurs décennies où les personnes handicapées sortaient de l’ombre, l’objectif du groupe était d’élaborer un texte qui garantirait la jouissance pleine et effective de tous les droits de l’Homme existants, et le développement social de la personne handicapée, assurant l’accès à tous ces droits tout en ne négociant aucun nouveau droit. Le texte devait par conséquent être basé sur la Charte des droits de l’Homme des Nations Unies, et ses traités spécifiques.[2]
Le texte de la convention internationale des personnes handicapées (CIDPH) est adopté le 13 décembre 2006. Il définit « par personnes handicapées… des personnes qui présentent des incapacités physiques, mentales, intellectuelles ou sensorielles, durables, dont l’interaction avec diverses barrières peut faire obstacle à leur pleine et effective participation à la société sur la base de l’égalité avec les autres ». La CIDPH a pour objet de promouvoir, protéger et assurer la pleine et égale jouissance de tous les droits de l’homme et de toutes les libertés fondamentales par les personnes handicapées, sans discrimination d’aucune sorte fondée sur le handicap. Les principes généraux de la Convention (article 5) : Le respect de la dignité intrinsèque, de l’autonomie individuelle, y compris la liberté de faire ses propres choix, et de l’indépendance des personnes; La non-discrimination; La participation et l’intégration pleines et effectives à la société; Le respect de la différence et l’acceptation des personnes handicapées comme faisant partie de la diversité humaine et de l’humanité ; L’égalité des chances; L’accessibilité; L’égalité entre les hommes et les femmes; Le respect du développement des capacités de l’enfant handicapé et le respect du droit des enfants handicapés à préserver leur identité.
La convention est en application depuis 2008, signée par la France le 20 Mars 2010. Le survol rapide de cette convention, de sa signature éclaire à mon sens l’intitulé de la loi de 2005 qui est « pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées » qui reprend les grands principes de la convention signée l’année précédente par la France.