Ecrit par Groupe de parents du CAMSP de Décines -
Une lettre de parents sur l'arrêt de la double prise en charge CPAM/CAMSP
Confrontés au problème de la "double prise en charge" des soins par la CPAM et par les établissements médico-sociaux (dont les CAMSP), un groupe de parents d'enfants suivis au CAMSP de Décines (Rhône) a écrit un courrier afin de demander à ce que la possibilité de cumuler le forfait soins du CAMSP avec les actes libéraux soit maintenu. Voici ce que ces parents expliquent dans cette lettre...
Image
mégaphone pour faire entendre sa voix



Lettre de parents d'enfants suivis au CAMSP de Décines
 

Objet : Arrêt de la double prise en charge CPAM/CAMSP

Le Centre d'Action Médico-Sociale Précoce (CAMSP) de Décines bénéficie depuis sa création de soins libéraux en complément des suivis réalisés au sein de la structure. Ces soins libéraux étaient jusqu'à présent financés par la Caisse Primaire d'Assurance Maladie (CPAM) pour l'orthophonie et la kinésithérapie. La psychomotricité et l'ergothérapie, non remboursées par l'Assurance Maladie, étaient impactés sur le budget du CAMSP lequel pouvait ainsi rémunérer ces professionnels via une convention. Cette souplesse de prise en charge interne au CAMSP et externe au CAMSP permettait d'adapter et d'ajuster les soins au plus près des besoins des enfants suivis.

En raison des contraintes budgétaires pesant sur l'Assurance Maladie, la double prise en charge des soins par la CPAM et par les établissements médico-sociaux (dont les CAMSP) ne peut plus à présent se poursuivre pour les enfants en situation de handicap. 
La CPAM demande aux établissements de financer eux-mêmes les intervenants libéraux en orthophonie et kinésithérapie si ces soins doivent se poursuivre. La dotation globale du CAMPS ne le permet pas. Pas plus que le CAMSP n'a pas les moyens budgétaires et humains d'effectuer dans ses locaux toutes les rééducations nécessaires aux enfants. Il ne pourra reprendre au centre qu'un nombre très limité de ces séances, pour quelques enfants seulement. 

En d'autres termes, il s'agit purement et simplement d'une demande de la CPAM de stopper les soins assurés auprès de ces enfants (près de 30 enfants seraient concernés au CAMSP de Décines).
Interrompre des rééducations en cours revient à casser le lien thérapeutique en place avec les intervenants libéraux, à limiter l'évolution de ces enfants vers un accès à la scolarité pour certains et dans tous les cas vers plus d'autonomie. Ceci contredit leurs droits les plus fondamentaux, rappelés dans les dernières lois sur le Handicap.

Une bonne prise en charge de ces enfants de moins de 6 ans nécessite un projet de soins coordonné. Ces soins doivent être assurés le plus tôt possible et sont véritablement indispensables pour les conduire à plus d'autonomie et éviter l'apparition d'un sur-handicap. C'est la mission du CAMSP, aussi avons-nous fait le choix d'y inscrire nos enfants.

Les listes d'attente importantes que doivent gérer les services médico-sociaux conduisent les parents à faire appel en premier lieu à des professionnels libéraux car la prise en charge précoce constitue un atout majeur dans le bon développement des enfants. La complémentarité des soins réalisés en libéral avec des rééducations au sein du CAMSP permet d’assurer une réelle coordination des soins absolument bénéfique pour les enfants suivis.
Cependant, devant la décision de la CPAM, il est envisageable que certains parents puissent interrompre le suivi de leur enfant au CAMSP pour poursuivre des soins de proximité en libéral, renonçant ainsi à toute coordination des soins de leur enfant ainsi qu'au suivi proposé au CAMSP pour faciliter l'insertion des enfants en collectivité (grâce à l'appui d'une éducatrice) ou aider les familles au quotidien (guidance parentale ou groupe fratrie avec une psychologue, appui dans les nombreuses démarches administratives avec l 'assistante sociale...).

Les enfants suivis au CAMSP vivent avec leurs parents et non en institution (ils ne vont au CAMSP que pour le temps de la rééducation). S'ils relèvent d'une prise en charge médico-sociale dans ce centre, ils n'en sont pas moins le reste du temps dans la Cité et nécessitent comme tout autre enfant, des soins de proximité. Ce sont des enfants en situation de handicap de moins de 6 ans, parfois des nourrissons. Pour certains d'entre eux, les déplacements plus nombreux (3 à 4 par semaine jusqu'à 1h de leur domicile), rendus nécessaires par davantage de rééducation au CAMSP ne sont pas envisageables médicalement.

Le temps parental nécessaire à l'accompagnement des enfants au centre n'est pas extensible à l'infini. Les équilibres professionnels et familiaux déjà compliqués par le handicap s'en trouvent très souvent mis en péril. Certains parents doivent réduire ou interrompre leur activité professionnelle, entraînant d'ailleurs la revalorisation des allocations de la CAF (AEEH, AJPP). Les transports pris en charge par la CPAM entre le domicile et le CAMSP est souvent plus coûteux que le montant de la rééducation libérale de proximité.

Cette mesure génératrice d'une économie faible semble devenir inutile au regard des surcoûts immédiats générés dans les branches maladie et famille de la Sécurité Sociale. Et qu'en sera-t-il du surcoût généré par la prise en charge médico-sociale à moyen et long terme d'un handicap majoré ?

Concernant la possibilité de « prise en charge à titre exceptionnel de certains soins réalisés en libéral et facturés à la CPAM sous certaines conditions »(1) :
« des soins ne pouvant en raison de leur intensité ou de leur technicité être assurés par [le CAMSP]  de façon suffisamment complète ou suffisamment régulière», les conditions de réalisation de cette prise en charge sont si imprécises qu'elle peuvent permettre toute interprétation. Les réponses des médecins conseils auxquels sont soumises ces demandes semblent d'ailleurs aller dans le sens d'un refus fréquent, survenant après plusieurs mois.

En conclusion, les familles se trouvent aujourd'hui face à un choix cornélien et insoluble pour assurer le suivi médical de leur enfant en situation de handicap :
- soit leur enfant conserve une prise en charge en libéral, renonçant ainsi aux divers avantages du CAMSP (suivi et coordination des soins, psychomotricité, suivi psychologique, aide à l'insertion en collectivité, appui administratif...).
- Soit leur enfant maintient l'intégralité de son suivi médical au CAMSP, mais il ne pourra pas bénéficier de l'ensemble des soins dont il aurait besoin, compte tenu du nombre de séances limitées en kinésithérapie et orthophonie délivrées au CAMSP.

Pour toutes ces raisons, nous, parents d'enfants suivis au CAMSP de Décines, demandons que soit maintenue la possibilité de cumuler le forfait soins du CAMSP avec les actes libéraux, comme cela était l'usage jusqu'à présent.
(1) : article R314-122 (code de l'action social et des familles)

Écrit par...

Groupe de parents du CAMSP de Décines

Membre depuis

53 années 8 mois
...

Vous avez des astuces à partager, une information à ajouter ou une expérience à raconter ?

Laisser un commentaire

CAPTCHA Ceci est un test qui nous permet de valider que vous n'êtes pas un robot. Image CAPTCHA

Recopiez le code ci-dessus

(*) : champs obligatoires


Fabienne Desmons
20 juin 2014

Oui, et cela existe aussi dans l'Est, dans le Sud... partout en France, la double prise en charge est menacée. Cette lettre est très bien, mais j'encourage ces parents à alerter de façon plus générale via une pétition, si cela n'a pas encore été fait. Et si une pétition existe déjà, j'aimerais avoir le lien, afin de la signer et de la partager.
Répondre au commentaire

Muguet G.
20 juin 2014

Nous sommes conscients que cet mesure d'arrêt des double prises en charge est progressivement généralisée. Il semble toutefois qu'il y ait eu peu de résultats des actions menées pour l'éviter, et peu de discernement dans son application par la CPAM. Notre réponse est graduelle et nous envisageons effectivement la pétition en fonction des réponses qui serons apportés à nos demandes. Nous le signalerons ici.
Répondre au commentaire

dumas
29 juillet 2014

nous avons été dans ce cas car après le camsp notre fils n'a pas été pris en charge pendant un an faute de place dans un sessad. J'ai donc fait toute la prise en charge seule : 7000 euros non remboursés sur un an et le manque de coordination tel qu'un camsp le propose se fait vraiment sentir chaque professionnel y allant de son avis et conseil. Comme parent nous n'avons pas les compétences médicales nécessaires pour juger la pertinence et la priorité des informations alors nous courrons dans tous les sens. De plus on se sent très très seul! Si vous faites une pétition je suis partante pour la signer. Je pense d'ailleurs que cette année je vais encore payer car notre fils rentre en ITEP qui ne peut assurer toutes les prises en charge et le problème est le même...Ainsi les familles d'enfant handicapé voient leur vacances partir en fumer pour payer les médecins, les mères se retrouvent à abandonner leur job... La CPAM a des souci de financement mais autour de moins je vois beaucoup d'abus : arrêts de travail injustifiés, pension d'invalidité cat II alors que la personne se porte aussi bien que moi... Avant d'enfoncer les familles qui sont elles vraiment dans la mouise, pourquoi ne pas travailler sur les abus!
Répondre au commentaire

prestataire
06 septembre 2014

LA CPAM du Rhône a entendu nos arguments et nous assure du maintien de la double prise en charge pour les enfants suivis en CAMSP en attendant la reprise de discussions avec l'ARS. Pas d'arrêt des soins donc (c'est une bonne nouvelle). Mais chaque famille doit contacter son CAMSP pour discuter des modalités de cette double prise en charge. Et cette possibilité n'est donc accordée que temporairement. Nous restons donc vigilants et présents. Nous invitons les parents d'enfants concernés d'autres établissements (SESSAD, IME...) à se manifester. En tout cas, en se mobilisant, on obtient des résultats, et on peut faire bouger les lignes.
Répondre au commentaire

SESSAD L'ESPAR
07 avril 2016

Bonjour, Je suis directrice de Sessad pour des enfants porteurs de déficience intellectuels avec ou sans troubles associés. Je viens d'être confrontée à la même difficulté par courrier de la CPAM qui nous réclame le montant des facturations pour des séances en orthoptie et Kyné. Comme précisé dans votre courrier les Sessad n'ont pas une dotation globale extensible pour des soins qui ne sont pas prévus dans le projet de soins du service. Avez vous des trouvé des textes sur lesquels je pourrai m'appuyer pour répondre à la CPAM et faire en sorte que les enfants concernés puissent poursuivre leurs soins en libéral si besoin. Cordialement
Répondre au commentaire

Bonjour, Nous n'avons pas trouvé de texte précis sur les prises en charge correspondant à la situation que vous décrivez. Par contre vous pouvez vous consulter un arrêt de la cour d'appel de Grenoble https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?idTexte=JURITEXT000018… Voici un lien vers un site qui décrit les textes relatifs à la double prise en charge : http://scolaritepartenariat.chez-alice.fr/page47.htm Il semble aussi que des accords ou des pratiques diffèrent d'un territoire à un autre. Nous vous conseillons donc de prendre contact avec l'Agence Régionale de Santé (ARS) dont vous dépendez. Bien cordialement, L'équipe d'Enfant Différent