La vie intime, affective et sexuelle des ados, quel accompagnement ?

La vie intime, affective et sexuelle des ados, quel accompagnement ?
31.01.2024 Réflexion sur Temps de lecture : 5 min

Témoignages de parents et réflexions sur l’accompagnement des adolescents en situation de handicap sur les questions de sexualité, vie intime et affective

Au départ, un constat : celui du grand écart existant d’un établissement à l’autre :

  • d’un côté, quelques groupes de parole dans l’année entre jeunes choisis par les éducateurs, sans concertation avec les familles, sans aucun temps d’échanges avec elles.
  • de l’autre un groupe hebdomadaire et obligatoire, et une réunion avec les parents dès la rentrée, au cours de laquelle on annonce l’existence de ces groupes clairement nommés « Vie intime, affective et sexuelle. »

Dans ce paysage contrasté, il est aisé de comprendre que l’existence du désir chez les adolescents en situation de handicap n’est pas encore une notion évidente. 

Sébastien, le papa de Morgan, 16 ans, est exaspéré de constater à quel point ce sujet est crispant, établissant un parallèle avec la population des personnes âgées. 

« Un mélange de tabou, de non prise en compte, comme si pour les personnes en situation de handicap c’était interdit. »

Le fait est que les adolescents n’ont jamais attendu les adultes pour s’intéresser à la sexualité. Toutes les générations ont tenté de chercher des informations et conseils, qui chez les copains, qui chez les frères et sœurs des copains, qui dans des catalogues bien connus !

Ainsi, Laurence explique que son fils Rémi, 17 ans, a été sanctionné dans son établissement pour avoir consulté des sites pornographiques

On l’envoie chez la psychologue, on le punit, mais à quel moment on l’aide ? Aller voir sur des sites porno, parce qu’il est à la recherche de cette partie de lui qui est importante pour lui, me paraît tout à fait logique. Le problème, c’est qu’il clique, il clique, il clique et en cliquant il avait rentré mon adresse personnelle sur des sites, etc. Il n’a pas du tout la notion du danger.

Comment protéger son adolescent qui a du mal à comprendre l’intention de l’autre ? Laurence explique qu’elle a toujours peur qu’on abuse de son fils, qui n’a pas la notion de méchanceté.

Pour certains parents, l’éducation a dû se passer de la compréhension. Ainsi, des parents racontent qu’ils ont dû apprendre à leur fils à être pudique.

« On lui a expliqué « tu vois s’il y a du monde, tu mets une serviette. »  Si on ne lui avait pas appris ça, ça ne lui posait pas de problème. » Cet apprentissage de la pudeur et de l’intimité est primordial et a permis par la suite que leur fils se mette à l’écart lorsqu’il souhaitait se masturber.

Une maman raconte qu’un matin, sa fille de 17 ans est entrée dans la chambre parentale en disant : « j’ai une question à vous poser. Est-ce que vous avez déjà fait l’amour ? » Même quand on est un parent ouvert au dialogue et reconnaissant de la réalité du désir chez son ado en situation de handicap, on n’est pas aidé. Difficile de trouver des supports pédagogiques adaptés, difficile de trouver les mots simples, notamment parce ces jeunes présentent parfois de grands décalages de compréhension entre les différents domaines de leur vie.

A la question « Est-ce que vous avez déjà fait l’amour ? », que faut-il comprendre ? Faire l’amour, est-ce avoir une relation sexuelle génitale ? Parler de pénétration ? ou simplement s’embrasser sur la bouche ? Le beau-père de cette jeune raconte qu’à cette question, son conjoint a eu l’idée de renvoyer la question dans un premier temps en demandant : « qu’est-ce que ça veut dire pour toi faire l’amour ? »

Nous vivons dans une époque où le couple hétérosexuel et marié n’est plus le modèle unique de normalité. Les adolescents en situation de handicap, autant que les autres, se questionnent sur leur liberté sexuelle, et leur liberté tout court. Car comment faire des rencontres quand on ne peut pas rencontrer des jeunes en dehors de son établissement ? Et comment se rendre à un rendez-vous quand on n’a pas de lieu d’intimité ?

Où la protection des adolescents s’arrête-t-elle pour prendre un air de privation de liberté ? Cette question ne trouvera certainement pas de réponse tout de suite, d’autant plus que le respect du consentement des enfants en situation de handicap est malmené dès leur plus jeune âge : a-t-on toujours accepté d’entendre un enfant qui ne voulait pas faire sa séance de kiné ?

Il ne s’agit pas de faire culpabiliser qui que ce soit, car les parents sont bien souvent les premiers à déplorer cette réalité. Il s’agit plutôt de comprendre à quel point le respect du désir est une notion complexe pour les ados en situation de handicap, habitués à faire plaisir aux adultes, à taire leurs limites pour progresser.

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