Le Geste de peindre
03.04.2018 Expériences et initiatives Temps de lecture : 5 min

« J’accompagne les adultes et les enfants dans une démarche de peinture libre. Pour cela, je porte à tous et à chacun une attention constante et chaleureuse. »

Sandrine Sananès nous présente ses ateliers de peinture libre, ouverts à tous

Les ateliers

A l’Atelier de Charenton, l’objectif c’est de retrouver le geste qui fait plaisir plutôt que de reproduire un modèle ou exposer un résultat. Avec la méthode le Geste de peindre, l’enfant, comme l’adulte, peint, invente, s’exprime par le corps.
Créativité, confiance, estime de soi : chacun tire bénéfice de ce moment de calme et de concentration.
L’Atelier, c’est une pièce claire, colorée, aux murs couverts de liège. On s’y sent bien. On peint sur de grandes feuilles de papier blanc fixées au mur. Au milieu de l’espace, couleurs et pinceaux sont soigneusement alignés sur une longue table. L’éclairage apaisant reproduit la lumière du soleil.
Dans mon atelier, on peint debout, libre de ses mouvements. Les séances se déroulent en petits groupes. Chacun est accueilli comme il est avec son humeur du jour, chacun se sent compris dans sa créativité et se sent exister. Avec la méthode du Geste de peindre, les adultes et les enfants découvrent leurs ressources et leur talent.

La méthode « le Geste de peindre »

  • Prendre confiance : Découvrir et affirmer sa valeur personnelle, révéler sa capacité d’action artistique
  • L’énergie des couleurs : Choisir une couleur, affirmer sa personnalité , nommer les couleurs pour apprendre et communiquer, développer sa curiosité, essayer, expérimenter, s’aventurer
  • Libérer le geste : Une méthode transmise dans la fluidité
  • Le corps en jeu : Laisser la main agir en premier, ralentir ses gestes
  • Trouver son univers : Libérer la créativité, l’expression libre

Quand l’élève arrive dans mon atelier, il apprend à se connaître. Attentive à l’instant présent, je porte mon attention sur la gestuelle, la motricité, la détente du corps de l’élève. Sécurisante et bienveillante, je donne à tous et à chacun ma considération positive, inconditionnelle.

L’accueil de Nathan ou « l’autisme en couleurs »

C’est l’année de l’ouverture de l’Atelier.
Nathan, 9 ans, autiste est inscrit dans le groupe du mercredi matin, qui compte 8 autres participants d’âges divers, non autistes. Au début, Nathan ne peut tenir plus de 30 minutes. Mon projet après entretien avec sa maman, sera qu’il reste un peu plus une heure en deuxième année. Cela pour rejoindre les autres du groupe, dont ses copains, qui restent entre une heure et une heure trente.

Il vient à la table à couleurs, une table en bois, longue et étroite où sont soigneusement disposés les pinceaux et les couleurs, trempe méticuleusement la pointe de son pinceau dans le vert-jaune et retourne à sa feuille. Malgré lui, ses petits cris dérangent le groupe. Je m’approche souvent de lui, ce qui l’incite à baisser sa voix, laisser des blancs dans ses récits. Pendant une année, soit 30 séances, il va peindre des traces vert- jaune qui s’enroulent, explorer les formes originelles : des points, des petits traits, des traits croisés sont le départ de l’activité graphique de tout un chacun. Puis, il va combiner ses premières traces qui deviendront des formes. Evidemment, les rythmes des traces enroulées sont différents, chaque tableau est original, réalisé avec le même mouvement et monochrome. Nathan explore, il est content de lui.

En juin, sa maman vient me voir : je lui montre les tableaux de Nathan. Elle est heureuse de voir que son fils peint ! 120 tableaux environ, 4 par séance. « C’est beaucoup, je ne savais pas qu’il pouvait faire tout ça. La composition est bien équilibrée », confie-t-elle. Elle se réjouit que Nathan ait enfin une activité libre dans son planning hebdomadaire chargé : 5 rendez-vous thérapeutiques par semaine, en plus de l’école spécialisée, située très loin de son domicile.
En fin de 1ère  année, je suis parvenue à mon objectif : qu’il reste un peu plus, une heure. Il demande à sa maman de l’inscrire en deuxième année. Il reprend l’année avec certains du groupe de l’année d’avant, Elisa, Mattéo et Clara. Tout le premier trimestre, Il peint des traces qui s’enroulent, avec “sa” couleur le vert jaune.
J’observe. Je maintiens l’équilibre entre ce qui est possible de laisser faire à Nathan qui grandit et s’agite, et la nécessaire tranquillité du groupe. A moi d’intervenir quand cela gêne trop. Je continue d’accueillir les traces vert-jaune de Nathan. Je n’attends rien. Il peint : j’accueille.

A la 10e séance, Nathan s’approche du rouge, fait trois traits courts, d’un geste sec, presque mécanique, réflexe et spontané à la fois. Il repose son pinceau méticuleusement, sans tarder, et avec assurance, il choisit le jaune. Les autres membres du groupe, qui le connaissaient depuis la première année, restent bouche bée devant ce changement, les yeux un peu écarquillés, le pinceau en l’air. Ils observent. L’enfant a une très grande capacité à s’adapter au changement, à observer, à ne pas juger, à rester silencieux pour laisser l’autre faire.
Les autres se remettent à peindre. Et le ballet continue. Nathan fait de plus en plus de traits, de toutes les couleurs spontanément. Il en sera ainsi pendant toute l’année. Il est comme les autres participants, qui peignent de toutes les couleurs et jouent avec les formes. A la pré-adolescence, Nathan a eu envie de faire de la capoeira comme ses copains.

Maintenant, quand il passe devant ma vitrine, il me fait de grands signes de la main et nous nous sourions. Discrète connivence.

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