Un projet de sensibilisation à la diversité au cœur des aires de jeux pour enfants

Un projet de sensibilisation à la diversité au cœur des aires de jeux pour enfants
30.06.2025 Expériences et initiatives Temps de lecture : 12 min

Accompagné par l’association Une Souris Verte et le Centre Socio-Culturel Pierrette Augier de Vaise, un groupe de parents a créé une affiche de sensibilisation au « Vivre ensemble », installée dans des aires de jeu pour enfants de la ville de Lyon.

Après deux années d’échanges, d’ateliers, de rencontres pour imaginer des panneaux qui parlent au plus grand nombre et qui reflètent des réalités de parents diverses, une dizaine de parcs lyonnais sont désormais équipés de ce panneau intitulé : « Tous différents, tous ensemble »

Les personnes à l’initiative de ce projet vous le racontent avec leurs mots…

Le projet est né au sein de temps de rencontre entre parents d’enfants en situation de handicap, ou comme ils l’ont renommé eux-mêmes « parents d’enfants extraordinaires ».

Organisés par l’association Une Souris Verte et le Centre Social et Culturel Pierrette Augier de Vaise à Lyon, ces moments permettaient le partage d’expériences, de conseils, de « bons plans ». De temps à temps, les discussions portaient sur les injustices vécues au quotidien. Ces échanges sur les « galères » étaient le reflet de leurs sentiments de solitude, de rage, de lassitude, de désespoir, d’impuissance. Ces parents avaient envie de faire bouger les choses, « bousculer le monde », ne pas rester uniquement dans la parole et de faire comprendre leur situation à d’autres parents.

Voyant ce dynamisme, la référente des Espaces rencontres familles de l’association une Souris Verte a donc a posé la question : « Est ce que vous auriez envie de faire quelque chose de toute cette rage ? »

Le groupe de parents qui se réunissait régulièrement s’est donc penché sur cette idée de trouver un moyen d’éduquer et de sensibiliser au handicap. Accompagnées par Une Souris Verte, les participantes se sont dit qu’elles seraient plus écoutées que des citoyennes « lambda ». Les choses se sont ensuite faites petit à petit.

Le point de départ de ce projet a donc été le besoin des parents avec deux ingrédients essentiels : le contenu du projet autour d’une action de sensibilisation d’une part, le mouvement depuis l’intérieur du groupe lui-même d’autre part.

Les familles d’enfants malades ou en situation de handicap traversent des moments difficiles et sont aussi confrontées à des paroles, des regards, et parfois de l’agressivité, d’adultes et d’enfants qui les jugent.

A force d’être rejetés de la vie en société, jugés, isolés, victimes de moqueries, certains enfants ne souhaitent plus aller au parc et beaucoup de familles renoncent à la possibilité de fréquenter des lieux communs à toutes les familles, tels que le cinéma, les bibliothèques, les aires de jeu.

Les familles sont épuisées de répéter sans cesse et réexpliquer que leur enfant n’est pas « mal éduqué », tout en gérant la « crise » de leur enfant. Elles se sentent impuissantes face aux regards et jugements hâtifs. Ce stress dans les espaces publics s’ajoute à un quotidien difficile mêlant beaucoup d’anxiété et de fatigue.

Les étapes du projet 

Ce projet a duré deux ans, de la première rencontre (en tout il y en a eu une vingtaine) jusqu’à l’inauguration du premier panneau.

En voici quelques étapes-clés :

  • Au démarrage des ateliers d’échange, les participants ont raconté les situations auxquelles elles étaient confrontées. Une personne du groupe notait les idées sur un tableau.
  • Parmi tous les lieux où il y a des jugements : écoles, supermarchés… l’aire de jeu a été choisie car c’est un lieu fréquenté par les plus jeunes enfants. Le groupe a pris ce parti : « être ensemble dès le début » et sensibiliser à la « diversité » dès le plus jeune âge.
  • Le groupe souhaitait allier textes et dessins, simples, non accusateurs. Le but n’était pas de braquer les autres parents. Des travaux d’illustrateurs professionnels ont été présentés au groupe, qui a choisi Laure Monloubou, auteure renommée et illustratrice de plusieurs livres dont « Les gens normaux ». Plusieurs rencontres et aller-retour ont permis de créer les dessins.
  • Le groupe avait tout d’abord l’idée de faire deux panneaux : l’un à destination des parents et l’autre pour les enfants. Au fil des échanges, le projet a évolué vers un seul panneau pouvant être regardé et lu par les enfants autant que par les adultes.
  • Des rencontres avec les élus locaux (notamment le Conseiller Municipal Délégué à la Ville des Enfants) ont eu lieu pour expliquer l’objectif du projet. Les participantes ont eu une bonne écoute et ont vraiment pu échanger sur leurs réalités dans ces lieux publics.
  • L’association Une Souris Verte a fait une demande de budget participatif sur le 9ème arrondissement de Lyon, celui de Vaise où est implanté le centre socio-culturel impliqué dans le projet. Les familles ont présenté et soutenu leur projet dans différentes instances en amont du vote citoyen du budget participatif. Le projet a été retenu et nommé « Projet Pépite » du 9ème Cela a permis de démontrer le sérieux du projet. La collectivité territoriale a affecté une enveloppe de 20000€ pour le projet : travail d‘illustration, impression sur les supports adaptés aux conditions météo extérieures, matériel nécessaire…
  • Pour voir se concrétiser le projet, de nombreuses rencontres ont eu ensuite lieu avec la chargée du budget participatif sur le 9ème ainsi que la responsable du pôle jeux et mobilier urbain du service biodiversité et nature en ville de la Ville de Lyon.
  • Par la suite, des visites sur site ont été organisées pour savoir où installer le panneau en fonction des contraintes techniques du parc. Les parcs que les participants avaient l’habitude de fréquenter ont été choisis pour débuter.
  • Le titre du panneau a suscité beaucoup de débats pour arriver à : « Tous différents, tous ensemble ».
  • Pour valoriser le projet, la ville a souhaité mettre en valeur de projet en réalisant une courte vidéo sur celui-ci. (lien)
  • Après deux ans, une inauguration officielle a été réalisée dans le parc Roquette de Vaise, avec des discours des élus et des participantes.

 

Toutes ces étapes, tous ces ingrédients ont permis de faire un projet qui sonne juste, qui était sérieux et qui s’est concrétisé.

Sensibiliser à la différence et au vivre ensemble : Le projet devait montrer que le « vivre ensemble » concerne tout le monde et que les parcs sont des lieux de vie pour tous. Pour cela il fallait donc informer les parents, pour qu’ils comprennent la situation des familles d’enfants en situation de handicap et qu’ils l’expliquent à leurs propres enfants. Les participantes avaient aussi conscience que parfois ce sont les enfants qui font de la sensibilisation à la différence.

Encourager plus de solidarité : le but était que les citoyens, petits et grands, soient plus bienveillants, tolérants, conscients des différences. Le projet devait montrer qu’on gagne à découvrir les autres, à s’entraider et à être solidaires, que l’on peut tous à un moment donné être confronté à une situation nous mettant en difficulté. Cela devait évoquer la responsabilité collective et la réciprocité. Les parents ne voulaient pas être placés comme des « victimes passives » mais des adultes citoyens pouvant aussi aider d’autres parents.

Représenter la diversité : bien que les parents d’enfant en situation de handicap se sentent seuls, d’autres parents peuvent aussi vivre cette situation d’isolement pour d’autres raisons. Le panneau devait représenter la diversité, par exemple on voit un homme assis sur le banc seul, on ne sait pas s’il est avec ou sans enfant et le message est qu’un adulte peut aussi avoir besoin d’aide.

Permettre aux familles de revenir dans les lieux communs : le panneau qui représente ces familles au milieu de tous les enfants d’un parc peut permettre que les familles se sentent attendues dans les parcs, sentent qu’elles ont leur place et ne seront pas jugées. C’est une place affichée et au regard de tous. C’est la même chose avec le cinéma (notamment les séances ciné relax), le supermarché… où les familles ont envie d’aller sereinement sans être jugées.

Chaque scénette du panneau montre des situations que les parents et les enfants vivent tous les jours au parc. Elles sont représentatives d’une réalité de la vie des familles, ce n’est ni caricatural, ni imaginaire. Des familles qui n’ont pas d’enfants en situation de handicap peuvent aussi se reconnaitre, par exemple avec l’enfant portant un cache sur l’œil

Les messages sont délivrés par les illustrations et les textes, qui se veulent être une représentation de la diversité au sens large.

Petit clin d’œil aux mamans du groupe dont certaines sont représentées par un détail des personnages de l’illustration.

Les participantes au projet sont très satisfaites du résultat, qui correspond à leurs attentes. Ce projet les a mobilisées, leur a pris du temps et leur a demandé un gros investissement personnel. Elles sont fières d’être allées au bout.

Cette démarche et ces temps d’échange leur ont permis de partager leurs ressentis, ce qui générait un certain soulagement, et même d’être sensibilisées à la différence des enfants des autres familles du groupe.

Et les enfants ?

Certains enfants des participantes se sont reconnus, ou ont reconnu leur maman, d’autres pas. Certains ont pu montrer le panneau à leur famille lors de l’inauguration.

Et l’entourage ?

Les participantes ont été félicitées par leur entourage, admiratif du résultat

Elles témoignent que leurs conjoints ont suivi le projet « à distance » et ont été très contents de voir le résultat de l’effort fourni et de voir le projet se concrétiser. Certains ont aussi été très fiers en voyant leurs conjointes prendre la parole en public ou sur la vidéo de présentation du projet. Cela a été l’occasion de voir leurs compagnes dans un autre « rôle »

Pour certaines participantes, l’entourage ne croyait pas vraiment au handicap des enfants ou disait que les enfants « n’avaient rien ». Ce projet a permis de les sensibiliser et de leur permettre de réaliser le quotidien des participantes en montrant les situations vraiment vécues au parc.

Et l’illustratrice ?

Dès les premiers échanges, l’illustratrice Laure Monloubou a été sensible au projet et a immédiatement saisi avec justesse le message et la profondeur de celui-ci. Ses questions et ses propositions ont été très utiles dans l’avancement du projet.

Et après ?

Actuellement une dizaine de panneaux ont été installés dans des aires de jeu de la ville de Lyon.

Les participantes au projet sont conscientes que la sensibilisation de tous n’est pas gagnée. Elles souhaitent continuer les efforts pour s’assurer de la continuité du projet.

Ensuite et surtout, l’envie du groupe est que cela puisse servir à d’autres et pour cela différents moyens sont imaginés :

Créer des actions de sensibilisation ponctuellement

Dupliquer les panneaux dans tous les parcs de Lyon et dans d’autres villes

le groupe a toujours eu envie que cela serve à d’autres et que les panneaux ne soient pas dans le 9ème arrondissement uniquement. Le message doit pouvoir voyager. Elles aimeraient qu’il y ait des panneaux dans tous les parcs de la ville et au-delà, et surtout pour qu’il n’y ait pas d’ « handi-parc » mais tous les parcs ouverts à tous. Le travail autour des autorisations de déploiement est en cours. Des demandes d’autres villes commencent à arriver. L’association Une Souris Verte suit la mise en œuvre.

Des équipements accessibles ? c’est une autre piste de continuité : Faire en sorte que toutes les aires de jeu soient accessibles, que tous les parcs soient pensés pour tous les enfants. Un équipement municipal doit être accessible pour tous : sécurisé, pas de graviers, des repères, des jeux sur lesquels les enfants peuvent grimper… Le groupe pourrait faire un cahier des charges qui indique les éléments incontournables pour qu’une aire de jeux soit accessible à tous 

Un panneau pour les supermarchés ? Face aux constats qu’au supermarché, bien souvent les courses sont « un enfer » du fait du regard ou des paroles jugeant des clients ou des employés, les participantes ont eu envie de faire des panneaux pour les supermarchés. Ce serait aussi utiles dans les écoles. Un souhait serait aussi de rédiger des petits « guides » pour l’accueil de tous à destination des salles de spectacle ou d’autres lieux fréquentés en famille.

Enfin, les participantes avaient pour envie de partager sur le projet pour donner des idées à d’autres groupes de parents, c’est le sens de cet article !

Contact

Vous êtes intéressés par l’installation des panneaux ? Vous voulez en parler à votre commune ? Vous souhaitez dupliquer ce projet, vous en inspirer ?

Contactez Une Souris Verte

Retour aux articles de la rubrique « Outils de sensibilisation »