Lettre à une amie
18.10.2012 Témoignages Temps de lecture : 4 min

Différent ?
J’ai beau dire, j’ai beau compatir, j’ai beau écouter et j’ai beau soutenir. Ça ne suffira jamais.

Je sais, je ne peux rien faire.
Je sais, c’est dégueulasse.
Je sais, c’est injuste et je sais, en même temps, c’est ainsi, et même elle n’échangerait jamais sa place contre la mienne parce qu’il est ce qu’elle a de plus précieux.

N’empêche.

Avoir un enfant différent, ça veut tout dire, ça ne veut rien dire.
Ça veut dire handicap, ça veut dire autisme, ça veut dire troubles du comportement, ça veut dire regards de travers et jugement de ceux qui restent persuadés que le parent y est pour beaucoup dans ce que l’enfant est devenu.

Toi et moi.
Nous avons accouché à quelques jours d’intervalle de deux petits garçons portant presque le même prénom.
Il n’y a pas de hasard.
Nous avons fait notre route, chacune en parallèle de l’autre, Delerm dirait en natation synchronisée.

Sauf que.
Ils ne sont pas les mêmes.
Sans gradation, sans importance finalement.
L’un rentre dans le moule, l’autre non.
Pas de beaucoup, d’un petit rien même.

Pourquoi ?
On ne saura jamais.

Et peu importe.
Nous faisons nos vies, nous prenons des décisions, nous essayons, finalement, de faire au mieux.
La différence c’est qu’il n’y a rien, ni personne qui aide ceux qui ne rentrent pas dans le moule.
La différence c’est qu’on parle de lui comme s’il fallait mieux le caser, là, un peu plus loin, pour qu’il ne dérange pas les autres.
La différence, c’est qu’on ne lui accorde pas trop d’attention, qu’on lui colle une étiquette « dérangeant » et qu’on essaie de faire au plus facile. Pas au mieux.

Et derrière ?
Derrière il y a toi, il y a vous, il y a une famille, et il y a une vie. Derrière il y a ceux qui font comme ils le peuvent.
Il y a ceux qui voudraient juste qu’on les écoute, qu’on les guide et qu’on leur dise clairement les choses.
Qu’on reconnaisse qu’il n’y a pas que ça qui compte

Qu’un gamin, c’est autre chose.
C’est ce qu’il est.
C’est ce qu’il ressent.
Ce sont ses sourires et les soleils qu’il dessine.
Ce sont ces jeux avec son frère et l’équilibre qu’ils ont construit.
Ce sont ces moments où il semble juste exactement semblable à l’autre petit garçon à côté de lui et on voudrait un instant suspendre le temps et croire que tout va aller mieux.

Je ne sais jamais quoi dire, je ne peux qu’écouter.
Je ne peux que te dire que ce qui compte ce n’est pas ça mais en même temps, je crois que j’en arriverai à détester tous ceux qui ont juste la chance de mener une vie normale.
Quand on a un enfant différent, il apporte énormément. Du plus, du moins.
Mais comment ne pas en vouloir un peu aux autres ?
Comment ne pas penser « ils ne se rendent pas compte ».

Parce que non.
Nous ne nous rendons pas compte.
Des nuits à y penser. Des nuits à y réfléchir. Des nuits à ne pas dormir.
Des choix à faire mais « sommes nous certains que ce sont les bons ».
Des mots à entendre et des gens qui assènent des vérités.
Des envies de hurler parce que non, ce n’est pas notre enfant dont il s’agit, ce n’est pas de lui dont on parle. Ce n’est pas vraiment lui.
Des envies de tout lâcher.

Je ne sais jamais quoi te dire, je ne peux que t’écouter.
Evidemment, il y aura toujours pire.
Evidemment.
On ne peut pas établir de gradation dans ce que les parents endurent.
On ne peut pas dire « moi c’était pire ».
Mais quand même.

A part te dire que je suis là.
A part te dire que tu fais exactement ce que tu dois faire, que tu es comme nous toutes, que tu cherches et que tu apprends, que tu te plantes et qu’il ne faut surtout pas regarder en arrière sauf pour ne rien regretter.
A part te dire que tu fais de ton mieux et que l’essentiel est là.

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