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Une mère écrit à la femme qui fut médecin de son fils à l’AP-HP et qui vient tout juste de prendre sa retraite… Leur relation, leurs échanges, leur parcours côte à côte et auprès de Django…
Alors comme ça, vous voulez que je vous écrive un petit mot pour vous souvenir des mamans de l’hôpital. Un petit mot pour vous souvenir de la Maman que je suis ! que je suis devenue ! Un petit mot pour vous dire que vous avez toujours été là quand la vie de mon fils ne tenait qu’à un fil !
Que vous avez été là pour m’aider à faire le deuil de l’hôpital, que vous avez été là. . . souvent. . . parfois. . . toujours pendant 15 ans et 7 mois. Un petit mot pour vous dire que nous avons eu la chance que vous nous ayez tendu la main aussi longtemps.
Sauf que le temps passe vite. . .
Aujourd’hui je suis orpheline, votre ligne ne répond plus, Je suis triste et je pleure.
Oui je suis égoïste,
Oui vous méritez votre retraite ! c’est un droit !
Vous dire merci n’est pas suffisant.
Vous étiez là pour que je « surmonte » l’insupportable, les maladies annoncées presque tous les jours dès les 5 semaines de vie de mon bébé, les suivis, l’indifférence, la cruauté de cette épée. Je vous ai souvent téléphoné. . ..
Allo, Madame. . . Bonjour, c’est la Maman de Django
Ah, la Maman de Django !
J’imagine que mes amorces, ma voix annonc¸aient déjà le contenu du plus léger au plus lourd ou je ne sais plus. Votre bureau-cabinet de curiosités grâce aux mamans du monde entier, qui vous ont remerciés. Nous toutes avons eu la même chance.
Vous avez vu Django grandir, j’ai grandi aussi ! Vous aussi ! Je ne suis pas aussi grande que vous.
Vous avez compris l’escalier de mes pensées, mes raccourcis.
Vous m’avez aidée à mieux comprendre cette vie difficile à comprendre. Je ne veux pas tout savoir ! J’en sais déjà assez.
Chaque chose en son temps !
Vos mots étaient justes même si je faisais la sourde oreille. . . Ils m’ont fait réfléchir.
Avec Monsieur le Professeur, vous avez réussi là où mes mots tombaient aux oubliettes. J’ai accepté ce « signalement » même si la/notre situation complexe était bien connue !
Vous avez accompagné mon fils au bloc, j’étais pétrifiée souvent. . . trop souvent mais confiante.
N’est pas maman de l’hôpital qui veut ! N’est pas n’importe qui celui ou celle qui opère et suit mon fils ! Je connais la peur, la crainte, l’angoisse, la sidération et ses contraires. Vous avez coloré notre vie de vos mots. J’ai appris à devenir moins impulsive. . . Si. Si. Si !
Vous : « Oh non, vous n’avez pas dit çà »
Nous avons discuté ferme, conflits cognitifs qui m’ont permis d’avancer dans mes réflexions. Oui j’aime bien réfléchir, un peu trop ! trop pour certains. . .
Qu’allons-nous devenir ?
Qui/que va devenir mon fils ?
Qui/que vais-je devenir ?
Mystère et bubble-gum.
Dieu seul le sait !
Aujourd’hui il s’agit de. . .
Tourner une page !
Oui madame, ensemble nous tournons une page. Ou plutôt à moi de comprendre que « Madame s’en va » et que maintenant je vais continuer seule sans vous.
J’ai tenu un rôle qui n’était pas le mien mais qui arrangeait bien.
Vous avez été la témoin de l’histoire d’amour des parents de Django ainsi que de la séparation aussi violente que la décou-verte d’une nouvelle pathologie : l’estomac, le coeur, les reins, la rate, le foie puis encore les reins, la scoliose et et et les TED plus tard. . .
NON c’est incomparable. . ., l’hôpital, la maladie, le handicap ont broyé notre vie, tout en la protégeant.
Nous avons passé presque 3 ans et demi de notre vie à l’hôpital, nous y avons vécu, j’y ai passé des nuits, des jours, des semaines, des mois avec mon bébé. J’ai appris à reconnaître les petits signes indiquant la nécessité d’aller aux urgences et je ne me suis jamais trompée. Je connaissais les enjeux pour mon fils.
Je suis alors devenue une maman fiable puis décidée, volontaire, exigeante et vous m’avez dit « Les institutions n’aiment pas les mamans comme vous, je connais des mamans engagées mais vous, vous êtes unique ! »
Quelle chance nous avons eue ! Et vous ? gérer la mère de Django aussi longtemps ! Cela mérite en effet du repos et des moments qui maintenant seront réservés à vos proches. Tra-vailler pour l’APHP, c’est un beau choix et ce n’est pas le choix le plus simple.
Vivre l’inquiétude des parents, leur détresse, leurs cris, leurs larmes et la mort rodant doit être très particulier. Oui je sais que même les meilleurs se sont inquiétés pour mon fils, sans me le dire. J’ai compris des années plus tard que mon bébé de 5 semaines était en soins intensifs.
Je ne pense pas être tombée dans le sacrifice de ma personne sauf professionnellement, socialement et amoureusement ! J’ai choisi la vie de mon fils. J’ai prévenu ou plutôt tenté de prévenir quand notre situation est devenue ingérable et vous êtes venue à la rescousse avec monsieur le professeur.
Que dire. . . Que dire. . . ?
Très chère Madame, vous et l’AP–HP m’avez permis d’offrir à mon fils ce qu’il y a de meilleur. L’idéal n’existe pas car les femmes et les hommes qui consacrent leur vie aux enfants, aux adolescents et adultes aux besoins spécifiques sont humains !
Donc, non je ne chercherai pas la perfection !
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