Majorité & différence, quel sens pour nous en tant que parent ?

Majorité & différence, quel sens pour nous en tant que parent ?
05.09.2023 Témoignages Temps de lecture : 4 min

Lorsqu’on met au monde un enfant, on fait des rêves pour lui.
On rêve en grand d’accomplissement, de liberté, d’envol pour sa vie d’adulte.

Oui mais voilà, la maladie et le handicap, viennent chambouler les rêves que l’on a pu faire, à tort ou à raison.
Ces projections sont le fait de ce qui nous entoure, et de ce que la société nous renvoie.

Ce serait mentir de dire que cela ne me fait rien de voir les enfants de nos proches obtenir leur bac, passer leur permis, trouver leur première coloc … Je me réjouis pour eux mais cela n’est pas sans un pincement au cœur de tout ce que cela symbolise pour moi comme pour mon fils s’il avait la liberté de ces choix. Ce passage, c’est celui qu’on célèbre. Encore et encore sous diverses façons. En tout cas, pour les autres.

J'ai longtemps été comme tétanisée à l'approche de cet âge symbolique.

Car en ce qui nous concerne, c’est celui où on définit le type de tutelle pour mieux le protéger. J’ai longtemps pleuré rien qu’à cette idée. Je n’étais pas contre, elle était nécessaire. Ce qui me remuait tant, c’était qu’un inconnu énonce les droits de mon enfant en tant qu’adulte en devenir, devant lui.

Lui qui ne supporte pas qu’on relate son parcours avec ses difficultés en sa présence. Les larmes qui coulent en silence sur son visage sont devenues insupportables au fil du temps.

Je fais donc en sorte de le protéger de ce type de démarches qui peuvent le mettre en difficulté et moi avec, par la même occasion. C’est la maman louve, qui se manifeste dans ces moments-là. Et j’ai voulu aussi le protéger de cette étape importante. J’ai toujours fais en sorte, qu’il puisse grandir dans un environnement où on ne lui imposait pas de limite au regard de son handicap. Pour autant, avec le recul et l’aide de l’équipe de sa structure où il est accueilli en IME, j’ai pu regarder les choses sous un autre angle.

Car au fond, ce que je voyais, était faussé par ce que l’on s’imagine de la majorité classique.

La vie est faite de célébrations et le passage à la majorité n'y déroge pas.

Au-delà de la simple fête, du choix du gâteau, j’avais besoin de plus pour lui, pour moi. Je souhaitais mettre du sens tout en restant honnête avec la réalité et cela m’était difficile.

Je n’avais alors que le cadre de référence qu’inclut la vision de la réussite aux yeux de la plupart. Un chemin tout tracé sous les diktats de la «normalité » sous couverts de diplômes, de représentations sociétales.

Il est évident que je me trompais totalement : Liberté, Autonomie et Réussite ne peuvent avoir qu’une seule et simple définition.

Je restais quoi qu’il en soit la mère d’un jeune qui allait fêter ses 18 ans, avec ses réussites tout comme ses limites. Et je ne pouvais le soustraire à la réalité de l’homme qu’il va devenir.  Même sans permis, sans appart, sans job !

C’était finalement pour moi, aussi accepter qu’il devra affronter la vie avec ce qu’elle lui réserve de bon et de moins bon. Mon rôle n’est pas de l’y soustraire, mais de lui laisser l’espace nécessaire pour qu’il puisse avancer en connaissance de cause. Je ne pourrais pas le protéger continuellement. Je ferais en sorte de veiller à rester garante de sa sécurité mais sans l’empêcher de faire sa propre expérience de la vie.

Je dois accepter qu’il trace son chemin, qu’il chute de temps en temps et apprenne à se relever sans que je sois là systématiquement pour lui dire comment réagir. De couper le cordon, comme on dit …

La vie est loin d’être toujours agréable et confortable. Cela ne veut pas dire pour autant que cela ne peut pas être positif.  Le temps est venu pour moi de le laisser voguer vers un monde qui lui est propre, par-delà des vagues du handicap. Le laisser suivre son horizon, celui qui lui appartient. Et de célébrer, encore et encore, toutes ses victoires ! Car il n’y a qu’une limite, la sienne, sur laquelle nous veillerons avec intransigeance.

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